Vannes, ville maudite.
Roger Debuigny, parachuté à Diên Biên Phu est soigné au Val-de-Grâce à Paris. Il obtient une permission pour revenir chez lui à Vannes en novembre1954. Il rapporte à ses proches 3 jolis pyjamas de soie achetés à Saïgon.
Quelques jours après son départ, le fils de Roger, Daniel (11 mois) déclenche une "pustullose". Le Dr Cadoret, pédiatre à l’hôpital Chubert de Vannes le fait admettre dans son service. Il est confié à Valentine, une fille de salle qui elle aussi va être victime d'une éruption cutanée. Puis ce sont les autres enfants du service qui contractent une "varicelle".
Fin décembre, le Dr Cadoret prend contact avec un confrère et lui confie penser à la variole (ou petite vérole dont mourut par ailleurs Louis XV). Etonnant ! cette maladie est éradiquée en France...
Le 1er janvier 1955, le Dr Grosse, responsable du service pédiatrie demande à ce que l'hôpital soit confiné. Le 4 janvier, l'Institut Pasteur (à qui on a transmis des prélèvements) le confirme : il s'agit bien de la variole, maladie que même le corps médical pensait disparue...
Première victime, un bébé de 6 mois ; puis une religieuse de 20 ans ; puis le Dr Grosse. Mi-janvier, on fait état de 50 malades, 9 morts, 12 convalescents. On vaccine (6 millions de doses !), et ont tente d'enrayer l'épidémie ; les matelas et vêtements sont passés à l'étuve, les maisons évacuées et passées au formol... L'épidémie se propage à Brest dans le Finistère.
La ville de Vannes vit au rythme de la maladie (représentations théâtrales annulées, matches reportés...). La presse parisienne en fait ses choux gras :
"Wagons remplis de cercueils à Vannes"
"Vannes, ville maudite"
"La variole fauche une génération de Vannetais"
"1000 prisonniers enfermés dans la forteresse Chubert de Vannes".
Le Maire doit faire appel à son droit de réponse pour tempérer le sensationnalisme des journalistes.
Le 11 mai 1955, l'épidémie est déclarée enrayée et terminée. Elle aura, entre Vannes et Brest fait 20 morts sur 98 cas répertoriés...
Parce que Roger avait rapporté 3 jolis pyjamas de soie...
Parce que la médecine militaire ne vaccinait pas ses soldats...
Parce que, bien qu'obligatoire depuis 1902, les familles ne se faisaient pas vacciner contre la variole...